La Namibie

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PROLOGUE

Le Boeing 787 d’Ethiopian Airlines entame sa descente vers l’aéroport Hosea Kutako de Windhoek, Namibie. Après avoir survolé des milliers de kilomètres de forêt dense, quoiqu’émaillée de quelques mines et carrières à ciel ouvert, c’est maintenant la savane qui déroule son tapis jaune sous les ailes de l’appareil.
Nous récupérons les sac à dos relativement rapidement et je cherche des yeux un grand gaillard aux yeux bleus.
John, journaliste d’investigation chez qui nous allons loger quelques nuits me montre un troupeau de phacochères sur le bord de la route, à quelques kilomètres de l’aéroport, et me raconte avoir récemment croisé un guépard au même endroit, en promenant son chien Loulou…

Nous avons quelques jours devant nous avant de prendre possession du 4×4 de location et nous en profitons pour arpenter Windhoek, petite capitale de 300.000 habitants, avec ses 6 ou 8 immeubles qui essaient de se faire plus grands qu’ils ne sont. Bof, bof. Veni, vidi et pas vici ! Hormis un petit bar-bouiboui sympa qui sert d’excellentes tripes de koudou, le souvenir ne restera guère impérissable…

CHAPITRE I : Bon, on va voir les zanimos ?

Me voilà enfin au volant du Ford Ranger (5m40…) et nous pouvons tailler la route ! À gauche, il faut rester à gauche, pensais-je tout en m’extirpant du flot de véhicules désordonné et klaxonnant.
Bataillant avec l’essuie-glaces, qui a sournoisement pris la place du clignotant, j’évite de justesse une bande de babouins qui traverse la route.
Okahandja, Otjiwarongo, les panneaux qui défilent m’enchantent plus que cet interminable ruban d’asphalte qui s’enfonce droit vers le nord, sans un virage, au travers de cette mer de paille jaune, à peine dérangée par quelques cours d’eau asséchés en cette saison. Plus que quelques kilomètres et nous arrivons enfin à notre première étape. Il est temps de déplier la tente de toit et d’organiser la popote ! Corvée de bois mort, un bon gros feu, et c’est parti pour un BBQ au milieu d’oiseaux bizarres et de gentilles antilopes. La nuit est froide, très froide même, 7-8 degrés et nous nous promettons d’acheter très vite des couvertures.
Le plateau de Waterberg se profile à l’horizon, copie conforme de celui du Monde perdu, de Conan Doyle. Les phacoches errent à travers le camp, précédant de peu les attaques de méchants babouins, maraudeurs en bandes nombreuses dépouillant les poubelles et les véhicules pas assez vite fermés. Mes gâteaux, sales voleurs !
La « fuite » vers le nord se poursuit, à la recherche de la chaleur. Le goudron disparaît en même temps que les fermes géantes qui recouvrent une grande partie de la Namibie.

En approchant de l’Okavango, les petits villages se succèdent, quelques dizaines d’âmes posées au bord de la route de gravier, qui menant ses chèvres au milieu de la broussaille, qui proposant sa viande mouchetée d’insectes au milieu de boubous colorés. L’Afrique, la vraie, montrait enfin le bout de son nez.
Majestueux Okavango, dont le nom enchanteur évoque autant le voyage que la Terre de Feu ou Samarcande ! Tu as tenu tes promesses, toi le fleuve qui disparaît sous les sables dans un delta grand comme la Slovénie. Je tiens particulièrement à remercier Isidore et Clémentine, Prosper, Turbule et Bulente, et le reste de la famille hippopotame qui ont bien voulu nous charmer de leurs joutes espiègles et de leurs cris rauques dans la nuit, posés à quelques mètres à peine de notre tente, sur leur banc de sable favori. Les gros pépères !

Plein ouest, le joyau de la Namibie nous attend à présent. Plus grand qu’Israël, le Parc National d’Etosha est un capharnaüm de vie sauvage. À peine franchies les portes d’enceinte les zèbres nous assaillent de leur multitude, escortés de jolies gazelles et de puissants oryx aux longues cornes droites. Un rhino féroce broute paisiblement au milieu de cette foule bigarrée.
(Voix off et monocorde, genre François de La Grange)
Le soir, les animaux se rassemblent autour des rares points d’eau. L’odeur puissante des éléphants se mêle au parfum subtil du romarin sauvage, tandis que nous guettons avec impatience l’arrivée des félins. C’est l’heure des bagarres, et les bois des antilopes s’entrechoquent, les fronts puissants des pachydermes s’affrontent au milieu de la cacophonie assourdissante de milliers d’oiseaux.


Soudain, c’est la panique. Une lionne furtive s’approche à ras de terre. Elle a jeté son dévolu sur une girafe, trop occupée à garder son équilibre tandis que son long cou essaie maladroitement d’amener sa petite tête au niveau du plan d’eau. C’est le signal de l’attaque ! Rejointe par quatre congénères, le fauve s’élance à la poursuite de la « Demoiselle » qui déguerpit plus loin, balançant au passage de puissants coups de sabots à la troupe de carnivores qui n’en revient pas. Cet instant d’hésitation lui aura sauvé la vie, momentanément du moins.
(Fin de la voix off et monocorde, genre François de La Grange)

CHAPITRE II : Bon, on va voir la mer ?

Allez on bouge !
Pour sortir d’Etosha vers la mer, c’est simple : 300 kilomètres de piste plein ouest, t’enquilles la C35 sud-est sur 60 bornes et t’arrives à Kamanjab, 1ère étape.
Surprise, le bar du camping propose du Jägermeister à la pompe, sur fond de Plastic Bertrand. Surréaliste…
La C40, piste de sable magnifique, continue tranquillement vers l’ouest à travers une fantasmagorie géologique. Montagnes déchiquetées ou toutes rondes, brunes ou rouges, paysages à couper le souffle, c’est le col de Grootberg qui nous ouvre la voie de la Skeleton Coast. Passage en 4 roues motrices pour négocier les virages serrés sur la caillasse et la descente sur Springbokwasser, entrée du Parc National.
Comme une impression de se retrouver sur la Lune ou Mars : Personne à des kilomètres, pas une voiture, pas une maison, pas une ville ou même un village, pas une seule plante. Seule la route de sel qui passe le long de la côte au milieu des dunes, laissant parfois apercevoir l’océan gris. Le vent est terrible, apportant ses effluves salés et iodés. Il est déconseillé de sortir de la voiture, le lion du désert rôde, ainsi que les hyènes, en témoignent les traces de pattes sur les bas-côtés…

De temps à autre une épave n’en finit pas de rouiller, partiellement recouverte par le sable.
Il fait froid, 12-13 degrés : sur la côte, la remontée du courant froid de Benguela donne naissance, la plus grande partie de l’année, à un brouillard dense sur l’océan, appelé cassimbo par les Angolais. Les vents soufflent de la terre vers la mer, les précipitations excèdent rarement 10 millimètres annuellement et le climat est hautement inhospitalier. Des vagues puissantes déferlent de façon constante sur les plages. Avant l’arrivée des bateaux à moteur, il était impossible d’y accoster ou d’y embarquer. La seule façon de quitter la côte consistait alors à traverser un marécage d’une centaine de kilomètres, lui-même seulement accessible à travers un chaud et aride désert, le plus vieux du monde…
Nous décidons de nous installer du côté de Cape Cross après une longue journée de route, pour aller voir les otaries : elles sont des milliers, affalées, empilées, étalées. Elles dorment, jouent, allaitent, hurlent. Et elles puent. Elles puent terriblement. Certaines sont mortes, à moitié dépecées par les chacals ou les requins makos qui trouvent ici un garde-manger inépuisable.
Nous continuons notre périple vers Swakopmund, jolie petite ville côtière aux accents germaniques mais le temps ne s’arrange guère. Malgré quatre couches de vêtements (Damart, t-shirt, sweat et polaire !), le vent glacé nous transperce.
Tant pis pour Sossusvlei et ses dunes de 300 mètres, tant pis pour Lüderitz. Avec 3 degrés prévus la nuit, le sud du pays ne nous attire plus tant que ça. Une autre fois pendant l’été austral !
De toutes manières, il est temps de rejoindre doucement la capitale.
Une dernière boucle autour des Monts Erongo nous offre une plongée fascinante dans la Préhistoire namibienne : la grotte de Philipp à Otjimbingwe dévoile ses gravures pariétales, réalisées par les peuplades San primitives : scènes de chasse, antilopes, oryx, éléphants parfaitement conservées dans cet écrin solitaire.
Un peu plus loin, à Otjihaenamparero, ce sont des dinosaures qui ont laissé leurs empreintes dans le grès d’un plateau rougeâtre.

Une belle fin de voyage que ces témoignages du début des temps…
La Namibie est un pays attachant, tant par la gentillesse de ses habitants que par ses paysages époustouflants ou sa faune exubérante.
3963 kilomètres plus tard, le retour à la « civilisation » est difficile, mais ce pays restera gravé dans nos mémoires.
Tangi Unene Namibia !

Livres de route

Guide utilisé : Bradt travel guide
Carte & atlas utilisés : Tracks4Africa (avec les temps de route !)
Livres lus sur la route :
Patagonie dernier refuge (Christian Garcin / Éric Faye),
Norilsk (Caryl Férey),
La rivière des ténèbres (Buddy Levy),
Soudain seuls (Isabelle Autissier),
L’attaque du Calcutta-Darjeeling (Abir Mukherjee),
Un été dans la Sierra (John Muir)

Cet article a 2 commentaires

  1. waow l’empreinte de dinosaure ! (avec une tentative de pillage…) meilleur souvenir que celles des Hyènes qui ont hanté mes nuits lors d’Africa Trek
    L’envie d’aller chercher des diamants à Swakopmund !

    1. Gérard

      L’autre côté d’Africa Trek, un peu plus à l’ouest comme dirait le professeur Tournesol ! Merci Alex !

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